11 août 1345 : Le désassiègement de Quimper

De Milamzer
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Ô Santig Du, fais pardon aux mécréants que nous sommes. Amen !


L'histoire du Miracle d'Elliant est bien sûr une vraie histoire : Celle d'un faux miracle !

1345_quimper.jpg

Contexte

Rappel du contexte historique du début du mois d'août 1345 à Quimper

Notre histoire se passe en 1345, pratiquement au début de la Guerre de Cent ans.
La ville fortifiée de Quimper est dirigée par l'évêque de Cornouaille, Alain Le Gall de Riec.

Le duc de Bretagne Jean III est décédé il y a quatre ans, en avril 1341.
Malgré ses trois mariages, il n'a pas laissé d'enfant légitime.
Et plus gênant, il n'a pas désigné de successeur !

Depuis ce décès, deux prétendants se disputent le duché : Jean de Montfort, 51 ans et Charles de Blois, 26 ans.

- Jean de Montfort :
Il est le frère germain du duc défunt.
La ville de Quimper lui avait ouvert ses portes dès le début du conflit ; sans trop tergiverser.
Mais l'an dernier, en mai 1344, son compétiteur Charles de Blois s'est emparé de la ville par la force ; de manière lamentable.
Il y aurait même eu plusieurs centaines de morts parmi les habitants.
Au printemps dernier, "Le Comte Jean" a obtenu des renforts du roi d'Angleterre Édouard III.
Avec les Anglais, il a mis le siège devant la ville de Quimper depuis quelques semaines
Et maintenant il compte bien la reprendre !

- Charles de Blois (avec son épouse Jeanne de Penthièvre) :
Jeanne de Penthièvre est une nièce du duc défunt.
Charles a le soutien de son oncle, le roi de France Philippe VI de Valois.
Depuis mai 1344 ce sont ses hommes qui protègent Quimper ; auprès de l'évêque.
Il n'a pas hésité à faire raser les maisons de sa Terre au Duc (hors les murs), pour dégager l'espace devant les murailles.

Le 10 août 1345 au soir, les préparatifs de Jean de Montfort et des Anglais sont terminés.
Les habitants ont pu suivre leurs travaux depuis le haut des remparts ; juste sous leurs yeux !
Ils sont tous bien conscients que leur situation est désespérée.
L'assaut décisif est prévu pour le lendemain matin.
Et pour les assaillants l'entrée en vainqueurs dans la ville ne devrait être qu'une formalité.

Mais le lendemain, au moment de l'attaque, ils sont surpris et bloqués par une inondation extra-ordinaire !
À tel point qu'ils lèvent le siège précipitamment et quittent la région de Quimper…

Peut-on savoir ce qu'il s'est réellement passé ?


On connait trois sources originales qui évoquent ce désassiègement de Quimper de 1345 :
Elles paraissent indépendantes, concordantes sur divers points, complémentaires et ne se contredisent pas.

Elles semblent bien les trois seules sur lesquelles se sont appuyés tous les auteurs qui ont traité de ce sujet...

En attendant des éléments nouveaux, on se propose donc d'examiner ci-dessous :
- 1 - Les Grandes Chroniques de France ; ici celles du règne de Philippe VI de Valois
- 2 - Les Annales de l'Évêché de Cornouaille, appelées aussi Les Annaulx
- 3 - La Vie de S. Jean Discalceat ( Santig Du )

1 - Les Grandes Chroniques de France

D'après Wikipédia : "Cette œuvre retrace les principaux faits et gestes des règnes des rois (de France) et des dynasties".

Elle avait été commencée vers 1250 par les moines de l'abbaye de Saint-Denis, à la demande du roi Louis IX (saint Louis).
Elle est ensuite régulièrement enrichie des nouveaux faits, au fur et à mesure.
Elle aurait été diffusée à environ 700 exemplaires manuscrits : Grandes Chroniques de France

On peut donc penser que le texte concernant le siège de QuimperCourentin a dû être rédigé quelques mois seulement après les faits ; à partir de renseignements remontés du terrain.

Les textes ci-dessous sont extraits d'un exemplaire téléchargé à partir de Gallica, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8451604g?rk=193134;0.
À noter que plusieurs exemplaires sont disponibles en ligne. Cependant les textes concernant Quimper semblent bien être des copies faites à partir d'un même original.

chroniques_dos.jpg

  


CHRONIQUE • DE FRANCE
APPELLEES • DE S‏ • DENYS
• FINISSANT • ACHARL • VI •


Cronicques de France selon quelles sont composées
en l eglise St Denys. Lesquelles commencent au
commencement du Royaume de France et finissent
au Roy Charles VIe



(En pratique, le texte de ce livre manuscrit s'arrête après le siège de Nantes en janvier 1381)



Extrait du folio 438, recto, bas de la colonne de gauche

chroniques_438r.jpg

Folio 437 :

L'an de grâce mil CCC XLV environ la Penthecoste...

Folio 438, recto du manuscrit (en bas à gauche) :

En celuy an, ou moys d'aoust, Jehan de Bretaĩ
gne conte de Montfort avecques la plus grant
armée qu'il pot avoir et assembler, vint en
Bretaigne et mist siège devant la cité de
QuimperCourentin ; mais les gens au Duc
de Bretaingne firent lever ledit siège et
encloyrent ledit conte en un chastel ouquel
il sestoit retrait ; mais ne demoura gueres
après que ledit conte yssi dudit chastel et s'en
ala ; et disoit-on comunément que ceulx qui
devoient veillier et guettier par nuyt en
l'ost du Duc de Bretaigne luy avoient fait voie.

En celuy an, fu le temps d'esté si
froit et moiste et si pluvieux que les avoines
orges et prés et autres biens qui estoient
aux champs ne porent venir a meurté
et à poyne porent estre cueillies. Ainçois
en fut laissiée quantité grande perdre aux

[col. droite]
champs. Les vins aussi et autres fruis des arbres
furent vers.


Folio 438, verso du manuscrit (en haut à gauche) :

En celuy temps monseigneur Jehan de Bretaingne
conte de Montfort morut tout deseperez
si comme plusieurs disoient. Et disoit l'en aussi que
a son trespassement il avoit veu les malins
esperis. Et advint grant merveille car
aleure de sa mort si grande multitude de
corbeaux sassemblerent sur sa maison que
l'en ne cuidoit meme qu'en tout le royaume
de France en peust avoir autant.

On peut donc retenir que :

- En cette année [1345, définie à la page précédente], au mois d'août
- Jehan de Bretagne, comte de Montfort
- A réuni une "grande armée"
- Est venu en Bretagne ; et a mis le siège devant QuimperCourentin.
- Mais les hommes de Charles de Blois l'ont obligé à lever le siège.
- Jehan a dû se réfugier dans un chastel où il a été fait prisonnier [encloîtré ?]
- Mais il n'y resta pas longtemps : il sortit du chastel et s'en alla [il s'évada !]
- De nuit ses gardiens l'auraient laissé s'échapper !

Mais on n'apprend rien sur le siège lui-même, ni sur les combats...

Par contre, au verso, on découvre le décès de Monseigneur Jehan de Bretaigne...
[Quelques semaines plus tard, le 26 septembre 1345, à Hennebont ; puis inhumé à Quimperlé]

2 - Les Annales de l'Évêché de Cornouaille

Annales recueillies par l'historien d'Anne de Bretagne Pierre Le Baud.
À la demande de la reine Anne de Bretagne, P. Le Baud avait rédigé une Cronique des roys et princes de Bretaigne armoricane, achevée vers 1505.
Mais pour lui permettre de mener sa tâche à bien, "dès le 4 octobre 1496, la reine lui avait fourni l'autorisation nécessaire pour qu'il ait communication de tous les titres déposés dans les chapitres, abbayes, communautés et archives du pays".
On peut supposer que c'est dans le cadre de ce travail que P. Le Baud a pu obtenir des extraits des Annales de l'évêché de Quimper. Il les appelle Les Annaulx.
Même si P. Le Baud écrivait 160 ans après les événements, on peut penser que son texte de référence devait être contemporain des faits eux-mêmes !
Au pire à un an près, puisqu'il s'agit d'Annales...

Voici le passage consacré au siège de Quimper en août 1345 :

Ci-dessous le texte, en français, rédigé par Le Baud vers 1500.

Il est extrait de l'Histoire de Bretagne avec les Chroniques des Maisons de Vitré et de Laval, par Pierre Le Baud, Chantre et Chanoine..., publiée par le Sieur d'Hozier, à Paris, 1638, p. 296.

Le Baud commence par reprendre le texte des Grandes Chroniques de France (voir §1, ci-dessus), puis complète par des informations extraites des Annaulx de l'Église de Cornouaille (=Évêché de Quimper ?).



[p. 296]...
Semblablement est contenu au Livre des Croniques dudit Roy Philippes, au 36. chapitre, qu'en celuy an, ledit Comte de Montfort à tout la plus grand armée qu'il peut assembler, assiégea le dessusdite cité de Cornoüaille, anciennement nommée Kempercorentin, & que les gens dudit Charles levèrent le siège, qui encloirent ledit Comte en un chastel où il s'était retraict, ouquel il ne demeura guères : Et fut dit que ceux qui devoient veiller & guetter par nuict en l'ost de Monsieur Charles, luy avoient fait voye.

Mais les Annaulx de ladite Eglise de Cornoüaille rapportent ce dessasiègement avoir esté fait par autre manière.
C'est à scavoir que :
"Le onziesme jour du mois d'Aoust en celuy an, les Anglois s'efforçant par furieux & hostil assault invader & expugner ladite cité

[p. 297]
applicquèrent à la partie Orientale, vers le mont appelé Fougin, où il leur sembloit l'entrée estre plus facile : Mais Alain, lors Evesque, le Clergé & peuple priants, le fleuve qui est dit Odet, courrant iouxte le mur de la cité, fut mean entre les tourbes des Anglois, lequel s'enfla outre que n'estoit sa nature, & miraculeusement prohiba l'entrée aux assaillants, & s'en retourna ledit Comte sans la prendre."

 

Ci-dessous, le texte en latin.

Probablement le texte original fourni à Le Baud par l'évêché de Quimper.

Ou bien la retraduction en latin du texte en français de Le Baud ; peut-être réalisée par d'Argentré ?

Il s'agit ici de la version imprimée publiée par Dom Guy Alexis Lobineau dans son Histoire de Bretagne t. II, Preuves, Paris, 1707, p. 364
[Consultée au fonds breton de la Médiathèque des Ursulines, à Quimper]

Dom Lobineau précise en tête de chapitre qu'il utilise les documents de Le Baud.

Lobineau_Preuves_364p.jpg

Nous allons considérer que le texte de Dom Lobineau est bien l'original.


Et retenir que :
Le 11 août 1345,
Les Anglais ont entrepris d'envahir Quimper ; en partant du côté du Mont Frugy ;
L'évêque, le clergé et le peuple se sont mis à prier ;
Le fleuve Odet a déferlé jusqu'aux murailles de la Cité ;
S'est élevé entre les groupes d'Anglais ;
(On comprend qu'ils se trouvaient dans le lit de la rivière, bien imprudents !)
A enflé bien au-delà de ce que l'on connaissait ;
A miraculeusement empêché les assaillants d'entrer.

3 - La Vie de S. Jean Discalceat

Source Vie de S. Jean Discalceat (Santig Du), dit le moine Jean, alias Yannick, moine du couvent de saint François à Quimper
Initiateurs La hiérarchie de Santig Du
But recherché Collecter et regrouper des éléments de sa Vie pour soutenir un éventuel procès en canonisation.
Rédaction par Un "compagnon / commensal" de Santig Du, plus jeune. On ne connaît pas son identité.
Quand Commencé bien avant la mort de Santig Du († 1349) ; complété par des enquêtes. Le document final pourrait dater des années 1360 environ.
Langue Latin
Diffusion restreinte Document réservé à la hiérarchie chez les moines franciscains.
Diffusion manuscrite Une copie sur velin datant de 1613 a été consultée par le Père Albert Le Grand pour la rédaction de la Vie des saincts de la Bretaigne Armorique, publiée en 1637.

Mais le P. Le Grand manquait d'informations pour bien comprendre les événements de 1345 à Quimper. Il les confond avec ceux de l'année précédente...
Malgré de nombreuses rééditions et enrichissements, cette première présentation n'aurait jamais été révisée.

Ce document (ou encore une copie ?) a été transmis aux Bollandistes en 1642.
Il se trouvait encore à la Bibliothèque Nationale de Bruxelles en 1910.

Versions imprimées Vers 1910, le P. F. M. Paolini en a obtenu une copie certifiée. Il l'a publiée dans :

Un document inédit sur la vie de St Jean Discalcéat, recteur, puis frère mineur (1278-1349) publié par le P. F. M. PAOLINI, postulateur général de l'ordre des frêres mineurs pour corroborer les preuves du procès fait en vue d'obtenir du Saint-Siège la confirmation de son culte immémorial, Rome, 1910, 40 pages.
[Consulté au fonds breton de la Médiathèque des Ursulines, à Quimper]

Après un examen approfondi de ce texte des Bollandistes, le P. F. M. Paolini assure qu'il a été rédigé par un compagnon de Santig Du et qu'il date bien du XIVe siècle.

Puis en 1911, le père Norbert Monjaux publie la traduction en français du document du P. F. M. Paolini :
Saint Jean Discalcéat, frère mineur (1279-1349) : Sa Vie, son Époque, son Ordre en Bretagne. Manuscrit inédit du XIVe siècle
, sept gravures. Saint-Brieuc, 1911, 454 pages ; page 52.
[Consulté au fonds breton de la Médiathèque des Ursulines, à Quimper]

Le P.F.M. Paolini avait découpé le texte latin en 64 paragraphes qu'il avait numérotés et auxquels il avait attribué un titre.
Le père Monjaux a suivi la même disposition.
Dans ces deux ouvrages, on trouve donc l'abandon du siège de Quimper aux paragraphes numérotés 50.
Les événements n'y sont pas datés ; mais ils sont certainement antérieurs à 1349, année du décès de Santig Du.


Ci-dessous le texte en latin (Paolini)

Par ses mérites la ville de Quimper est préservée des Anglais

50 - Quando etiam eadem civitas prius etiam fuit obsessa a pluribus valentibus principibus et nobili exercitu Anglicorum, et quadam die esset invasa ita valenter et efficaciter ab eisdem quod in sex locis fuerunt rupti et perforati muri civitatis cum diversis modis ingegniorum, ab his per magnum tempus cum magna diligenti industria paratorum, sic quod, qui dabant insultum exterius, sociis eorum subintrantibus cum vexillis, credebant civitatem infallibiter obtinere, et qui interius resistebant, pro maiori parte erant inenarrabiliter desolati et quasi desperati de resistentia, nisi ex speciali gratia Dominus subveniret.



Aliqui tamen devoti et de sanctitate istius boni Iohannis a multis temporibus [f.35 v.] confidentes pro habendo penitentiae sacramento et consolationis beneficio repetendo, ad ipsum, precordialem amicum Domini, recurrebant, credentes ipsum super pectus Domini recumbere valde saepe, et sperantes in speciali quod sibi esset revelatus finis insultus fortissimi qui tunc erat.


Ipse autem eos consolabatur salubriter dicens eis, quod in Domino sperarent et quod credebat quod non caperetur civitas, et sicut dixit Dei famulus, credentibus multis quod, eius meritis et precibus adiuvantibus, ita fuit.



Ci-dessous le texte en français (Monjaux)



50 - Quand aussi la même ville fut auparavant aussi assiégée par plusieurs vaillants princes et par la noble armée des Anglais, et qu'un certain jour elle était si fortement et si efficacement investie par eux que dans six endroits les murailles furent rompues et ouvertes à l'aide de divers genres d'engins qu'ils avaient préparés depuis un long espace de temps avec une grande et active habileté, ceux qui donnaient l'assaut du dehors, leurs compagnons survenants, avec leurs bannières croyaient obtenir infailliblement la reddition de la ville, tandis que ceux qui, en majeure partie, résistaient à l'intérieur éprouvaient une peine indicible et étaient presque désespérés de pouvoir tenir encore, à moins que Dieu ne vint à leur secours par une grâce spéciale.

Pendant ce temps quelques personnes pieuses, pleines de confiance depuis longtemps dans la sainteté de notre bienheureux Jean, recouraient à lui, pour recevoir le sacrement de pénitence et le bienfait de la consolation, comme à un ami chéri de Dieu, sachant bien qu'il se reposait souvent sur le coeur de Notre-Seigneur avec l'espoir aussi que Dieu lui révélerait la fin de l'assaut qui était si violent en ce moment.

En effet, il les consolait efficacement, leur recommandait d'espérer dans le Seigneur, et il ajoutait qu'il ne croyait pas que la ville serait prise. Il arriva ce que le serviteur de Dieu avait prédit, et beaucoup attribuaient cette délivrance à ses prières et à ses mérites.


On peut donc retenir que :
Avant 1349,
Les Anglais s'étaient installés pour envahir Quimper.
Ils avaient préparé des engins ;
Avec lesquels ils avaient ouvert six brèches dans les murailles;
Puis un jour, ils avaient donné l'assaut "du dehors", aidés par des renforts;
En déployant leurs bannières.
Ils croyaient obtenir la reddition de la ville facilement ;
En "majeure partie" les habitants résistaient [Pas tous ?] ;
Mais ceux qui résistaient étaient quasi-désespérés.
Ils ne pouvaient plus compter que sur une grâce spéciale de Dieu ;
Et pour cela ils priaient et recouraient à la sainteté du bienheureux Jean.
Celui-ci les consolait et ajoutait qu'il ne croyait pas que la ville serait prise !
Et il arriva ce que le serviteur de Dieu avait prédit [=La ville ne fut pas prise] !

Que peut-on en conclure ?

Ces trois sources semblent assez concordantes pour affirmer sans trop s'avancer que

- Au début de l'été 1345 ,
- Les Anglais et Jean de Montfort (surtout les Anglais ?)
- Ont mis le siège devant Quimper,
- Se sont installés entre le Mont Frugy et la ville,
- Ont construit des engins de siège (Les carrières du Frugy fournissent les projectiles !)
- Ont ouvert six brèches dans les murailles (Le couvent de saint François est juste derrière !)
- Ont commencé à donner l'assaut en traversant l'Odet (Les Annaulx précisent que c'était le 11 août 1345),
- L'évêque, le clergé, le peuple se sont mis à prier.
- Les assaillants ont reçu l'aide de renforts arrivant bannières déployées.
- Mais soudain l'Odet a déferlé defluens jusqu'aux murailles
- Et est monté entre les groupes d'Anglais [entre leurs jambes ?]
- On ne l'avait jamais vue couler ainsi. C'était sur-naturel !
- Au point d'empêcher les Anglais d'accéder aux remparts.
- Si bien que Jean de Montfort lui-même a été fait prisonnier
- Mais il s'échappa un soir. (On sait qu'il va mourir quelques semaines plus tard à Hennebont !)
- Et les Anglais levèrent le siège !

On suit avec jubilation les Annales de l'évêché et leur description réaliste de l'événement.
Mais peut-on attribuer aux seules "prières" le déferlement d'une vague aussi soudaine que miraculeuse ?

D'autant plus que le bienheureux Jean (bien renseigné ?) annonçait qu'il ne croyait pas que la ville serait prise !

Quelques hypothèses et remarques

On se souvient que cet événement se passe à la mi-août, période d'étiage de l'Odet.
Reste-t-il encore assez d'eau dans la rivière pour qu'elle puisse servir de protection ?
Sinon, il suffirait aux assaillants d'attendre la première marée basse du jour pour la franchir presque à pied sec !

Avait-on installé une "cellule de crise" à l'évêché (l'évêque, son chapitre, les hommes de Charles de Blois, Yannick ) ?
Aurait-on décidé d'envoyer des commandos en amont pendant la nuit ?
Avec la mission d'ouvrir les vannes des retenues d'eau des moulins au lever du jour ?
De manière à inonder le lit de la rivière sous les remparts et ainsi bloquer les assaillants ! [ Environ 1 heure de délai ].

Par exemple, à Elliant, la Chaussée et son Étang appartenaient au Duc.
Ou peut-être toujours au fils illégitime de Jean III, Jehan Le Bastart à qui son père avait donné toute la châtellenie de Rosporden en 1334 ?
Leurs représentants devaient avoir la maîtrise complète de ces ouvrages.

C'est vrai qu'une fois la décision prise, il n'y avait plus qu'à prier toute la nuit pour que l'opération réussisse !
En se réservant la possibilité de crier au miracle en cas de succès...

On notera tristement une succession de calamités en cette décennie :

- En 1344, le siège de Quimper par Charles de Blois avait provoqué une grande famine dans la ville.
- Puis au moment de l'assaut lamentabile, le 1er mai, il y avait eu des centaines de morts parmi les habitants.

- En cette année 1345 les récoltes furent très mauvaises (cf. §1, ci-dessus).
- Dans notre hypothèse, la Chaussée au Duc d'Elliant n'aurait pas résisté à l'ouverture des vannes "en grand" :
Elle n'aurait jamais été reconstruite ensuite...
- Des embâcles divers auraient été charriés dans la vallée et jusqu'à Quimper, sans parler des poissons morts ; et des rats ?

- En 1346, à la suite des mauvaises récoltes de l'année précédente, il y eut encore une nouvelle grande famine en Cornouaille.
Anno Domini M° CCC° XLVI° fuit magna fames in Cornubia (Réf. Chronicon Briocense BNF, fond latin, n° 9888, folio CXII, col. b, ligne 22).

- En 1347 c'est le "mal de saint Antoine" dû à l'ergot de seigle qui s'abattit sur la région.
Anno Domini M° Tricentissimo XLVII° fuit infirmitas sancti Anthoni que dicitur an chilpat Bretoniae~ (Réf. Chronicon Briocense BNF, fond latin, n° 9888, folio CXII, col. b, ligne 24)

- À la fin de 1348, dans toute cette désolation, c'est la Peste Noire qui arriva à Quimper (et sans doute aussi à Elliant ?).
- Le bienheureux Yannick en serait mort en décembre 1349 après avoir assisté ses compatriotes avec beaucoup de dévouement.
Devenant alors le Santig Du.

Mais bon, avec ou sans ruyne de la Chaussée au Duc d'Elliant, la Peste serait passée quand même, hein ?
À Quimper comme ailleurs...

Se non è vero è bene trovato ?